Le CESTA, les gangs, la politique, les amis...
Après ce weekend de bonne bouffe et de soleil, à rattraper le temps avec nos amis salvadoriens, nous reprenons le boulot. Et encore une fois, la chance nous sourit. L’an dernier, nous espérions arriver au Salvador à temps pour filmer l’arrivée d’un conteneur de vélos envoyé par Cyclo Nord-Sud. Mais comme le temps de voyage en mer est difficile à prévoir, nous l’avions manqué de deux semaines. Nous nous étions donc rabattus sur l’option de filmer l’arrivée d’un conteneur à Haïti, en prêtant du matériel à Claude et Christina de Cyclo, qui y seront fin janvier. Mais voilà : en sortant de notre dortoir prêts à filmer Heriberto et Abner au travail, nous les voyons émergeant de la noirceur… d’un conteneur tout frais arrivé, tirant des vélos jusqu’à la lumière du soleil matinal. L’agréable surprise! Un des partenaires étatsuniens du CESTA leur a envoyé ce conteneur car l'organisme qui devait le recevoir a dû l'annuler, faute de place ou de moyens pour payer le tarif de la douane. L’histoire se répète mais nous donne une autre chance.
Excités, nous filmons pendant presque deux heures le déchargement inespéré, du plus gros plan au plus large, immortalisant la belle énergie de cette équipe amicale et efficace.
Pauline en action !
Heriberto a reçu la formation de mécanique vélo du CESTA et a son petit commerce de réparation de vélos chez lui, en plus de vendre du pain à vélo le matin, de cinq heures à neuf heures. Il travaille à son compte suite à une blessure au pied: une voiture l'a frappé et il boîte du pied gauche depuis. On ne veut pas engager un infirme. Alors il travaille le double, bordel. Mais grâce à sa détermination et au CESTA, il s'en sort, sourit, et nous en parle nerveusement à la caméra.
Aujourd'hui, Heriberto prépare des vélos en vue de la manifestation. L’organisme va prêter une quarantaine de vélos à ceux qui n’en ont pas afin d’avoir plus de participants à l’événement, qui vise à attirer l’attention des députés et aspirants politiciens sur la nécessité de créer des lois facilitant l’accès et l’usage du vélo, la sécurité des cyclistes et faire en sorte que le vélo soit considéré comme une moyen légitime de transport, et non seulement un sport ou pire, un moyen de transport «déraisonnable » selon la loi en vigueur sur l’assurance et l’aide financière en cas d’accident de la route…
Des élections municipales et nationales se tenant en mars, le Cesta en profiter pour amasser des signatures de politiciens qui s'engageront à mettrre en application des lois et des programmes pour le vélo.
Heriberto
Heriberto a mis de côté la vente matinale de pain à vélo pour travailler au CESTA quelques semaines, emterré sous une quantité impressionante de vélos, qui profitera éa la population, et dont la vente financera les divers projets environnementaux et éducatifs de l'organisme. Il reprendra sa besogne quotidienne une fois la tempête passée. Heriberto a toujours son atelier de réparation de vélos où il habite et sa femme lui donne maintenant un coup de main l'après-midi, avec la vente et le service à la clientèle. C'est une bonne chose dit-il, éatnt meilleure avec les chiffres et le public que lui.
Abner, lui, entame sa dernière année d'études en électronique. Il souhaite toujours créer son propre organisme, pour former des jeunes à la mécanique vélo et contribuer à protéger l'environnement, mais il est plus réaliste que l'an passé. Il sait que cela prendra du temps et de la patience, il se consacrera donc pour l'instant à terminer ses .tudes et mettre son argent de côté. Abner n'a jamais vraiment été ennuyé ou abordé par des membres de gangs, mais certains de ses amis oui. Vol, intimidation, agressions, pour quelques petits dollars ou simplement pour passer dans un quartier qui leur "appartient". Mais depuis un an, Abner nous dit qu'il a peur d'aller de sa maison au CESTA, la ville étant moins sûre. Chaque jour, il ne sait pas s'il va se rendre, ou dans quel état.
Abner
En passant en voiture dans une petite ville, cherchant notre chemin pour revenir sur la nationale, nous tournons les coins des rues de sable et sur presque tous les murs figurent des graffitis de la Mara Salvatrucha (MS-13), ou Barrio 18, les deux gangs rivaux. Luís s'empresse de retrouver le chemin, nous sentons son insécurité monter, même s'il n'est que deux heures de l'après-midi. Il demande son chemin, mais à des femmes âgées, non à des jeunes. Car les nouveaux membres commencent ainsi, informant d'autres membres par cellulaire du passage de gens ou de voitures inconnues. Et ceux-là, postés plus loin, arrêtent alors les malchanceux et leur exige un montant pour passer, ce qui est le moins pire qui peut arriver.
Avec le temps et l'expérience, les responsabilités augmentent. Vente de drogue dans la rue, commissions, chauffeur, mule, leader de quartier. Intimider les commerçants pour qu'ils paient mensuellement pour le gang les "protège" des autres gangs, montant qui augmentera de mois en mois si le commerçant accepte. Le gouvernement actuel du FMLN a même tenté d'acheter littéralement la paix avec les gangs dans une entente de transfert de prisons à sécurité maximale à minimale pour certains leaders, extension des heures de visites, réduction des peines d'emprisonnement et paiements mensuels aux gangs pour qu'ils respectent la trève. Cette trève fut fort critiquée dans les médias et par l'opposition de droite. À la veille des élections l'an dernier, le parti ARENA avait donc misé sur cette entente pour aller chercher des votes, et créèrent de gigantesques publicités mettant en vedette des commerçants, des restaurateurs de rue, des "gens du peuple" (ceux qui se font intimider et voler), tout sourire à leur travail ou tenant leurs chèque de paye, mentionnant "Mon salaire n'ira pas aux Maras". Et d'autres affiches plus sensationnalistes...
Peu importe le parti, le problème des gangs criminalisé ne se règlera pas à coups de pancartes publicitaires. Il faut investir temps, éducation et services sociaux dans les jeunes et les prochaines générations. Marielos de Bici Critica est aussi directrice d'une école spécialisée et travailleuse sociale de formation. Elle contribue chaque jour à transformer cette culture de violence par une d'entraide, de respect de l'autre, de lettres et d'arts. du travail utile, bien rémunéré et gratifiant. Et l'équipe du CESTA s'évertue avec d'autres organismes à donner des ateliers sur l'environnement, la mécanique vélo, l'agriculture biologique, à de jeunes et moins jeunes générations, afin de leur donner espoir et un métier qui sera bien rénuméré et gratifiant.