Haïti, premiers jours, premières impressions...
17 et 18 février 2016
Après une année de vie en mouvement et de projets concrétisés, après un concours dont le résultat nous assurera une postproduction solide, et après une campagne de sociofinancement qui nous redonne des ailes, nous voici enfin dans la perle des Antilles pour une dernière étape de tournage, avec Claude, participante principale de notre documentaire, qui en est à son quatrième séjour ici, et qui nous ouvrira de multiples portes. Bienvenue en Haïti !
L’anticipation et la nervosité nous ont gagné plus que d’habitude à la veille de ce voyage. Des élections reportées, une population dans la rue, maudissant la corruption et l’ingérence internationale, une grande sécheresse dans le centre, le pays transpirait l’instabilité et la colère. Mauvais timing. Un gouvernement transitoire et une autre promesse de deuxième tour reporté à avril aura temporairement calmé le jeu. Mais c’est toujours aussi sec dans la région de l’Artibonite.
À la sortie de l’aéroport, dépassé le couloir de chauffeurs de taxis qui nous interpellent, nous nous dirigeons chez Bianca, une amie coopérante de Claude, qui nous accueille dans son petit condo loué par l'organisme avec lequel est elle partie, à Port-au-Prince. Nous n’y sortirons qu’accompagnés d’un chauffeur ou d’amis, pour des raisons évidentes de sécurité. Cette ville est agitée et encore plus ces temps-ci, même si la poussière est retombée après la nomination de Privert comme prézidan intérimaire. La criminalité et la pauvreté, elles, semblent permanentes. Sur plusieurs rues, cette dernière brûle les yeux et pince le cœur. Même habitués, le regard soutenu mais faible d’un enfant affamé est toujours aussi difficile et confrontant.
On s’habitue au climat et on planifie notre tournage. Et les deux premières soirées sont habitées de bon rhum et de discussions passionnantes sur le pays, l’espoir, les déceptions, les remises en question sur l’aide internationale qui ressemble trop souvent à un jeu de Monopoly pour les pays occidentaux. L’ingérence et la soif de profit sont tentaculaires en ce pays qui gagnerait tant si on y était moins impliqués, intéressés. Heureusement pour nous, on y vient pour le vélo. On nous regarde et nous questionne donc un peu comme si nous étions des extraterrestres, perdus sur une planète habitée par les motos chinoises et les voitures aux nuages noirs.
Deux jours formatoires et d’adaptation donc, avant ce mois qui on le sait, déboulera vite.
Caméra, son, et traversée du pays à la recherche de notre sujet, qui se fait de plus en plus rare.