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Retour à San Marcos...

San Marcos me rappelle les rues de Santo Domingo, en Équateur. Même pollution, même chaleur, mêmes visages surpris de voir des blancs. "Gringos !"... -"No, por favor ! somos canadienses... euh, quebecenses !!" Pour ce que ça change... Aussi, même curiosité, même joie au ventre et anticipation du lendemain. Dans l'avion qui descendait, notre première fois l'an passé, je mirais les montagnes et tentait d'en évaluer les hauteurs. Difficile. Cette nature verte et cette couleur rouge terre. Puis tout d'un coup, bitume, chaleur, voitures et bus partout autour. Ça bouge beaucoup, et bien sûr, les chiens chétifs qui jappent, les coqs qui hurlent et pas seulement au petit matin - oubliez ce mythe -, et les vendeuses de tamales qui répètent inlassablement leurs lignes au coin des rues. Il fait bon dans nos coeurs. Le soleil est chaud, la Pilsener fait du bien, et Pauline est superbe.

Le CESTA est comme un oasis dans une jungle de béton et d'asphalte. Et ses gens sont passionnés par leur travail. Plein d'endroits à goûter, plein de gens à découvrir. Du sommeil à rattraper, et des pupusas à s'en exploser la panse. Tâchons de ne pas tomber malades cette fois !

Les retrouvailles sont parfaites. En arrivant au CESTA en fin d’après-midi, Carlos le vieux gardien, le militant, avec son chandail et son béret aux couleurs rouges du FMNL (Frente Marti para la Liberación National, le parti au pouvoir, qui a mené la révolution) nous accueille avec ses mots toujours aussi difficiles à décoder. Même plus, me signale Pauline, qui a l’espagnol plus acéré que moi. Les deux golden retriever de Carlos, ses fidèles compagnons et gardiens eux aussi, ne sont plus là, emportés par la maladie. La maman arborait des kystes gris et dénudés de poils sur les cuisses et les fesses, et son fils avait constamment les yeux collés par une infection qui ne les quittait pas. Chaque soir, alors que relaxions dans le banc devant notre dortoir, les deux chiens venaient tour à tour, traînant dans leurs gueules leurs gamelles clairsemées de moulée, et s’installaient au pas de notre porte, pour nous tenir compagnie et nous rassurer, en échange de quelques gratouilles fort appréciées. Peut-être était-ce nous qui les rassurions au final, avec ces câlins qui semblaient sortir hors du commun… Un an plus tard, ce sont des chats, chétifs et plaintifs, adoptés par Carlos, qui viennent miauler à notre porte chaque soir, et s’enfuient, au grand dam de Pauline, lorsque nous essayons de les flatter. Au moins, le vieux Carlos n’est pas complètement seul.

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Nous arrivons alors que le dernier cours de mécanique vélo de la saison prend fin, sous des airs de fête, avec de la nourriture, des certificats et des applaudissements. Ariel, un étudiant de l’an passé, avance vers nous et nous salue avec une belle accolade. Il a dû grandir d’au moins un pied ! Puis Heriberto, le mécanicien et vendeur de pain à vélo, nous rejoint en boitant de son pied abîmé, tout sourire et nous, surpris de le revoir aussi vite. Abner aussi est là, qui filme la réunion des nouveaux finissants. Il me dit en me serrant la main: « Quelle joie de vous voir à nouveau ! » Jesus nous aperçoit et interrompt sa phrase pour nous accueillir, avec ses éclats de rires francs et profonds. Edwin, devant le groupe de jeunes, prend le relais de Jesus de façon distraite, et viendra nous accueillir plus tard. C’est comme si nous retrouvions l’endroit et les gens au même instant que nous étions partis il y a un an. Et ils ont encore plein de projets et de visites pour nous. Et nous en sommes heureux.

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En tournant le coin qui mène au dortoir, j’anticipe un malaise, une grande émotion, un retour douloureux en arrière. C’est ici, sur le banc devant notre dortoir, que la vie m’a planté une dague éternelle au cœur l’an passé. C’est ici que j’ai appris et pleuré la mort de ma mère, Aline.

Mais le banc n’est plus là. C’est assis là, qu’après de longues minutes à sangloter et ne plus rien comprendre à rien, j’avais levé les yeux au ciel, et nous avion vu Pauline et moi avec stupéfaction ce qui n’était pas là les jours précédents : l’arbre immense qui s’élevait de la cour intérieur, dépassant le petit mur de briques, était alors rempli de magnifiques fleurs roses, couvrant toute la vue qu’on avait du ciel auparavant. Nous avions partagé ce moment saisissant, sans un mot, le voyant comme un signe.

J’anticipais aussi de revoir cet arbre. Dans ma tête qui courait après les songes, j’avais imaginé revenir ici et revoir cet arbre toujours en fleurs. J’avais imaginé Jesus me dire qu’il ne comprenait pas, que depuis l’an dernier, l’arbre était toujours en fleurs. Mais l’arbre aussi, n’est plus là. Jesus nous a plutôt dit que l’an dernier, à la saison des pluies, de forts vents ont fait plier l’arbre et il s’est écrasé sur le mur de briques et le toit du dortoir. Ils ont du le couper. Au ciel figure maintenant un grand espace. Mais on peut y voir d’autres arbres qu’on ne voyait pas avant. Et dans la cour intérieure, là ou nous mangions nos repas sur les tables de ciment, gisent les branches et le tronc immense de l’arbre, en amas de bois épars. La cour en est pleine, on peut à peine y circuler. Ce bois sera utilisé pour construire des clôtures pour le jardin, des échelles, et des tuteurs qui aideront d’autres arbres et plantes à pousser, partout sur le terrain du CESTA.

Ici comme ailleurs, les vies se transforment, la vie continue. Et de nouvelles aventures attendent ceux qui y croient, et ceux qui aiment. Demain, la nôtre continue.


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