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Les rues de Chinandega

Chinandega n’a pas grand-chose à offrir aux touristes, et c’est avec surprise que les gens nous regardent déambuler dans la rue, sans but précis, sans sac à dos, sans un air perdu… C’est que nous savons un peu où nous allons, et aussi nous tentons de ne pas avoir cet air qui cherche ses pas, que nous avons repérés sur une carte avant de quitter l’hôtel. Nous cherchons quand même un peu, les noms et numéros des rues étant ce qu’ils sont, facultatifs. Les touristes ne s’arrêtent pas ici; ils transitent d’un bus à l’autre pour se rendre à la playa Jiquilillo, petit paradis de plage et de soleil bien gardé du Lonely Planet et de ses hordes d’aventuriers-qui-désirent-sortir-des-sentiers-battus-apres-une-nuit-bien-arrosée-sur-les-planchers-de-danse-du-Mojito Barrato…

Les rues du centre-ville sont quasi désertes en cette fin de dimanche après midi, les derniers commerçants ferment les rideaux de fer de leurs boutiques ou plient leurs bagages roulants de vente ambulante. La chaleur de fin de journée est accablante, même si le soleil est bas, comme s’il se rapprochait du sol pour nous cuire un bon coup avant de s’éteindre dans les montagnes au loin.

Roberto arrose minutieusement l’asphalte qui attire la chaleur, au coin du restaurant où nous sommes échoués, sur une table à l’extérieur. Nous sentons une lég;ere différence, alors que l’air autour se remplit de vapeurs d’humidité. Boyau à la main, il nous raconte ses années de travail au États-Unis, puis son retour peiné au pays, alors que sa femme partit avec un autre, ne voulant plus attendre qu’il revienne avec les sous pour qu’elle puisse partir elle aussi. Fin quarantaine, il travaille maintenant depuis six mois à ce Pizza Hot, savant jeu de mots vous l’aurez deviné, et malgré cette blessure, il affiche un sourire désarmant qui porte à la confidence. Nous prenons une deuxième bière et lui racontons donc un peu notre histoire, où plutôt celle de notre documentaire, alors que fondent les dernières minutes de sa journée de travail.

Après un repas bien huilé dans la fritanga du coin, nous trouvons rapidement le repos dans notre chambre, où immense ventilateur brasse l’air humide de la pièce, l’empêchant de nous coller à la peau.

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Lundi matin 9h, les rues sont méconnaissables, débordant de gens qui vont travailler, et la multitude de bicitaxis semble ne pas fournir à la demande. De chaque coin de rue, de chaque porte sortent des hommes, de femmes et des enfants comme s’il en pleuvait. Et les chiens affamés rasent le sol, évitant les engins et les coups de pieds. Les kiosques empiètent sur le bitume, frôlés par les voitures et les tricycles qu s’exclament au moindre ralentissement. Nous nous réfugions dans une délicieuse pâtisserie qui sent bon le café frais et nous repérons les axes les plus vivants pour prendre des images. Plus besoin d’entrevues, nous en débordons. Mais, devant nous rendre d’un bout à l’autre de la ville pour attraper des billets de bus pour le Salvador, nous nous reprenons au jeu de questions réponses à nouveau. Chanceux encore une fois, nous roulons avec un taxista qui connaît bien son métier et ses enjeux. Grand aux cheveux courts frisottés, sa barbe noire découpe ses pommettes déjà saillantes. Le visage tuméfié par quelques éruptions cutanées avortées, ses yeux traînent à l’intérieur une sorte de tristesse ou d’ennui. Il aime son métier pourtant, pas de supérieur, les heures qu’il souhaite et un salaire mieux que dans la construction (un autre choc culturel…). La municipalité de Chinandega, tout comme celle de Rivas, refusé les mototaxis. Il y a quand même les taxis en voiture, mais le centre-ville est si bondé dans ses petites rues qu’il est préférable de prendre un bicitaxi.

Nous traversons la ville et roulons sur la Panaméricaine quelques instants, jusqu’ou nous réservons nos places pour le bus Transporte del Sol (littéralement un stand de hot-dogs tout près du bureau de TransNica, ou le représentant de la compagnie nous rejoint…).

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Nous retournons ensuite à la pâtisserie pour un dernier café et captons des moments de camaraderie entre les bicitaxistas qui se relaient au coin de la rue au fil des courses. Désirant capter un client montant à bord de l’un d’eux, je laisse la caméra rouler. Manque de chance, celui-ci restera nonchalamment en poste, alors que défilent autour de lui voitures, piétons et vélos. Il en profite pour regarder son téléphone (eh oui, on peut dire ça maintenant !) et les femmes qui passent.

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Au parc central, les batidos (jus de fruits avec ou sans lait, mais avec des vrais fruits tabarnac !) sont énormes et savoureux, c’en est presque un repas ! Le sandwich est alors juste au cas ou… Nos sacs à nouveau aux dos, nous cherchons le bus qui nous mènera à cette fameuse plage. Le voici qui termine de débarquer des gens. Nous y grimpons avec seulement trois autres personnes. Surprenant. Car habituellement, nous devons lutter pour se trouver une place, même avec les enfants et les personnes âgées, et sortir les coudes pour ne pas être dépassés ou poussés comme des poche de riz. Le bus tourne le coin, les employés embarquent de la marchandise sur le toit, puis e bus tourne un autre coin pour s’arrêter près du parc central. Les portes de derrière et de devant s’ouvrent et entre alors une marée humaine, une des plus fortes et agitées qu’il nous a été donné de voir. Des enfants s’infiltrent et crient pour vendre des trucs. Se faisant chasser du bus je ne sais pourquoi, une fillette s’agrippe à tout ce qu’elle peut de ses puissantes petites mains. Et je suis sur son chemin. Elle attrape mon chandail et je me sens subitement tiré vers l’arrière. J’essaie de me défaire de son emprise sans grand éclat, à demi amusé, mais la voilà levée du sol par un autre homme qui l’expulse hors du bus par la porte de derrière.

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Les ventres et les bras nous poussent même si nous sommes assis, les vendeurs et vendeuses crient leurs produits, chacun avec une intonation propre pour se distinguer, et chacun plus fort pour enterrer le brouhaha des passagers et le dernier hit d’Enrique Iglesias que crachent les haut-parleurs fatigués du Blue Bird qui l’est tout autant. C’est notre tempête avant le calme de la plage Jiquilillo, du repos du Rancho Esperanza.

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